Il y a quelques temps je me suis inscrit sur Facebook. Non que ce haut lieu de la « socialitude » me paraissait inévitable, mais j’avais envie, moi aussi – en bon mouton binaire bien dressé – de voir et de vivre l’expérience ultime du web social 2.0 (« deux point zéro » ou « deux fois zéro » ?).
Après trois tentatives d’inscription infructueuses, dont un mail inutilement envoyé au « hell desk », j’arrive enfin à me faire accepter et à créer mon profil. La première impression n’est pas très bonne : une interface pauvre et froide qui rappelle plus l’hôpital que la chambre des délices interpersonnels ; un sentiment de honte m’assaille presque car, aller sur facebook en justifiant du besoin d’y faire œuvre de propagande, c’est un peu comme acheter Playboy pour les articles… Bref, j’y suis, je visite.
En peu de temps, la diabolique machinerie me propose des liens avec des « ami(e)s », Comment, pourquoi ? Ah ben, j’ai cliqué sur le bouton « trouver des amis via vos contacts MSN », ok, la « chose » bosse pour moi. La surprise est alors directe : non seulement je peux voir tous mes contacts enregistrés sur Facebook mais, en outre, je peux aussi voir leurs amis et les amis de leurs amis et les amis des amis de leurs amis… Fortiche ce truc ! Comme je suis là en anonyme, désirant garder la discrétion et la paix, j’ai choisi Spartakus FreeMann comme identifiant, j’ai donc la chance de ne pas croiser mes anciens camarades d’école, de travail ou de galère. Cependant, le système me permet de savoir en un clin d’œil qui fréquente qui, et à la limite qui couche avec qui et quand. J’explore les lieux, je réalise combien d’anciennes « connaissances » du web éso francophone se trouvent là : facile, ils y sont tous ou presque, Facebook ne permettant pas aux morts de s’inscrire, pas encore du moins.
Cool, on peut créer des articles, on peut aussi faire savoir publiquement son humeur, on peut ajouter des photos et les « taguer » pour le plus grand plaisir de nos « amis » qui peuvent rester à l’écoute de nos émois 24h/24 et 7j/7. Bien vite, je réalise que l’on n’est pas sur Facebook pour la littérature mais que le cul, la fesse y a une telle importance, comme aux bons vieux temps de l’IRC, que l’amitié devient sans doute « et plus si affinité » en un temps record. On me propose de m’inscrire au club des partouzards, à celui des échangistes et enfin à celui des « personnes libres ». Mazette, il y a de quoi baiser à couilles rabattues ici.
« Facebook », si je me souviens bien c’est un album que les universités américaines mettent à la disposition de leurs élèves anciens et actuels afin de faciliter leur contact. Ici, il ne s’agit plus de ça, j’y vois plutôt un « Fesse book », mais vu l’ambiance, je me dis aussi que je suis la chèvre que l’on mène au bouc. Car, il y a quelque chose de démoniaque là-dessous. C’est infernal, c’est vide, d’un néant presque affligeant et terrible. On ne parle de rien, on s’agite pour ne rien dire en dehors de « salut, kikou lool », « je suis en train de faire le café », « je joue à WoW », … Une liste sans fin de l’absence absolue de toute forme de communication, une grande cacophonie de l’être qui impose son inexistence aux yeux du monde. En fait, le Fesse Bouc c’est un peu le fléau du portable dans l’internet. On parle sans arrêt pour ne rien dire. On assouvit une pulsion du dire dans un désert de communication, on se branle publiquement de l’inanité de nos petites vies mesquines et vides. Le pire c’est que les gens aiment ça, ils adorent s’entendre parler et, ici, se voir écrire et se savoir lu, perçu par les « amis » qui ne peuvent rester loin.
Il y a aussi un sentiment de malaise qui m’étreint peu à peu. Bien qu’inscrit sous un pseudonyme, il semble que l’on puisse découvrir que je suis là – je, c’est-à-dire moi personne du réel – grâce à la présence de mon adresse email « officielle ». Bon, on retire ça. Ensuite, après avoir essayé de mettre en ligne ma vitrine Lulu, je m’aperçois que la machine me dévoile sous mon véritable nom ! Diable, on rêvait de Big Brother, on a là mieux, c’est le Fesse Bouc Brother organisé, mis à jour et partagé par tous et pour tous ! Les RG peuvent dormir sur leurs deux oreilles, le citoyen fait à présent son travail, librement, spontanément, gratuitement. Oh, bien sûr, on me dira que si l’on a rien à se reprocher, on ne doit pas avoir peur d’exposer ainsi son « réseau social », ses habitudes de vie, ses goûts et ses dégoûts, ses centres d’intérêt politiques, philosophiques et sexuels… Dans le meilleur des monde c’est vrai…
Spartakus FreeMann, novembre 2008 e.v.
Après avoir fait les mêmes constats que toi (et t’avoir croisé d’ailleurs, kikoo lol !), j’ai décidé de supprimer mon compte face-de-bouc. Sauf que… c’est chose impossible. Nos petites fesses de bouc sont marqués au fer rouge ! Tout le monde peut voir mes photos avec la De Fontenay maintenant (et c’est même pas moi qui les ai mis en ligne); Shoking ! Parce qu’il y a ça aussi : si quelqu’un veut publier la photo de ta beuverie de la veille, il le peut en toute impunité en associant ton nom à l’image. Joie !